Publication

Régime juridique des créations de communs numériques au sein de l’administration

Cette note vise à alimenter la doctrine juridique applicable aux projets de communs conçus ou soutenus au sein de l’administration afin d’harmoniser et systématiser ces pratiques. Sur la base de cet objet très précis, elle aborde différentes notions touchant d’une part aux enjeux de propriété intellectuelle des agents et contractuels de la fonction publique et d’autre part au régime de l’Open Source et Open Data induit par la Loi pour une République Numérique (2016). Elle sera mise à jour régulièrement afin d’intégrer les questionnements remontés.

La cible principale de ce document est tout porteur.se de projets au sein de l’administration qui souhaite diffuser ou initier un commun. Les ressources vise à le guider directement (comprendre les enjeux et actions nécessaires) ainsi qu’à appuyer ses actions auprès de son équipe voire de sa direction.

En pratique, les éléments juridiques sont réunis au sein de 5 fiches correspondant à différentes situations juridiques, chacune d’entre elles renvoyant vers des sous-fiches qui sont autant de développements supplémentaires et réponses apportées aux questionnements susceptibles d’apparaître. Ces fiches d’analyse juridiques font elles-mêmes l’objet d’une double lecture : lecture à l’intention des porteurs de projet ; lecture “sourcée” (via de nombreuses notes de bas de page) à l’intention des juristes ou personnes en charge de la valorisation.

Fiche 1 : Identifier les objets protégés et comprendre les droits attachés aux objets protégés

Les communs numériques développés sous l’impulsion d’une administration peuvent constituer des œuvres de l’esprit protégées par le droit d’auteur. Cela peut notamment être le cas en présence de logiciels, de graphismes ou de typographies intégrées au sein de ces logiciels ou encore des éléments visuels ou audiovisuels intégrés dans des logiciels ou bases de données. Ils peuvent également constituer des bases de données protégées par le droit d’auteur ou encore le droit sui generis du producteur de bases de données. Enfin, ils peuvent mettre en jeu d’autres titres de propriété industrielle tels que des marques de produits ou de services.

Dans une démarche de communs numériques, il est ainsi nécessaire d’identifier tous ces objets juridiques et le régime associé. Ce sont en effet ces ressources produites, et les droits qui en sont tirés, qui feront l’objet d’une collaboration et d’un partage entre les membres de la communauté.

Afin de vous aider dans cette identification, plusieurs fiches techniques vous sont proposées :

Fiche 2 : Identifier les titulaires de droits

Les personnes titulaires initiales des droits d’auteurs sur des œuvres de l’esprit peuvent varier. Il peut s’agir d’un ou plusieurs auteurs personnes physiques. Il peut également s’agir de personnes morales en cas d’œuvres collectives, d’œuvres logicielles ou d’œuvres créées par des agents publics dans le cadre de leurs fonctions ou selon les instructions reçues.

Ainsi, le titulaire initial de droits d’auteur sui generis sur la protection de base de données peut être l’administration sous l’impulsion de laquelle la base de données a été développée ; ou une autre personne en fonction des cas.

Ces droits d’auteur et droits sui generis du producteur de bases de données constituent en théorie des obstacles à la libre réutilisation des communs numériques par d’autres contributeurs, c’est pourquoi il est nécessaire de s’assurer que l’ensemble des titulaires de droits ne fassent pas obstacles à la libre réutilisation des communs numériques par d’autres contributeurs. Les actes susceptibles d’être effectués par ces contributeurs, tels que la reproduction, la modification ou encore la réutilisation devraient en principe en effet être autorisés par les titulaires de ces droits.

Les titulaires peuvent décider de ne pas exercer leurs droits, mais l’absence de formalisation de ce choix serait source d’insécurité juridique pour le projet et sa pérennité. Une mauvaise gestion des droits pourrait conduire à des actions en contrefaçon et à la paralysie des projets de communs numériques. Il est donc important d’identifier tous ces titulaires (en limitant lorsque cela est nécessaire l’injection d’éléments protégés par des droits dont ne sont pas titulaires les contributeurs qu’ils ne pourront donc pas céder ou licencier).

Afin de vous aider dans cette identification plusieurs fiches techniques vous sont proposées :

Fiche 3 : Connaître les obligations et droits découlant de l’Open Data

L’ouverture des données ou Open Data vise à assurer la disponibilité et la libre réutilisation par tous des données détenues par un organisme.

Lorsque ces données sont entre les mains d’un organisme public, une réglementation particulière, qui poursuit également une finalité de transparence de l’action publique, encadre cette ouverture des données. Cette réglementation s’articule autour de deux régimes distincts :​

• la communication, l’accès et la diffusion des documents administratifs (fiche techniques 3.1 et 3.1.1 spécifiquement pour les codes-sources) ;

• la réutilisation des informations publiques (fiche technique 3.2).

Les communs numériques développés sous l’impulsion d’une administration peuvent être considérés comme des documents administratifs dès lors que ceux-ci sont développés dans le cadre de missions de services publics par des administrations et/ou des personnes de droit privé, et dès lors soumis en principe à l’obligation de communication des documents administratifs et au droit d’accès (fiche technique 3.3). Toutefois, ces documents administratifs peuvent être grevés de droits de propriété littéraire et artistique qui peuvent faire obstacle à ce principe de communication et de libre-accès (fiche technique 3.4).

Les contenus de communs numériques constituant des documents administratifs peuvent être considérés comme des informations publiques, soumises au principe de libre réutilisation (fiche technique 3.5). Ne constituent en revanche pas des informations publiques les communs numériques sur lesquels des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle.

Cette réutilisation peut être encadrée par le biais de licences proposées par décret ou faisant l’objet d’une homologation spécifique (Fiche 5 – Choisir une (la bonne) licence).

La soumission des communs numériques aux principes de l’Open Data va donc dépendre essentiellement de deux éléments :

  • leur développement dans le cadre de missions de services publics ou non ;
  • l’existence de droits de propriété intellectuelle détenus par des tiers ou non.

Fiche 4 : Gérer les concessions de droits ​

Dans une démarche de communs numériques, il est nécessaire de s’assurer que l’ensemble des titulaires de droits ne fassent pas obstacles à la libre réutilisation des communs numériques par d’autres contributeurs.

Les actes susceptibles d’être effectués par ces contributeurs, tels que la reproduction, la modification ou encore la réutilisation devraient en principe en effet être autorisés par les titulaires de ces droits.

Les titulaires peuvent décider de ne pas exercer leurs droits, mais l’absence de formalisation de ce choix serait source d’insécurité juridique pour le projet et sa pérennité. Une mauvaise gestion des droits pourrait conduire à des actions en contrefaçon et à la paralysie des projets de communs numériques.

Il est donc important de sécuriser formellement les autorisations nécessaires pour poursuivre le développement des communs numériques.

Si aucun formalisme particulier n’est imposé par le code de la propriété intellectuelle en matière de droit du producteur de base de données et de droit des marques, des règles particulières existent en droit d’auteur.

Pour en savoir plus, une fiche technique sur la gestion contractuelle en droit d’auteur vous est proposée.

Fiche 5 – Choisir une (la bonne) licence

Par principe, la Loi pour une République numérique (LPRN) n’impose pas aux administrations de diffuser les jeux de données sous une licence sauf en cas de redevances. Néanmoins, même lorsque l’ouverture des données est réalisée à titre gratuit, le choix d’une licence est fortement conseillé afin de faciliter la réutilisation de ces données. Ainsi, cela permet de :

  • formaliser le cadre de réutilisation défini par la loi, renforçant par ce fait la sécurité juridique et la confiance établie entre l’administration et les réutilisateurs ;
  • en présence de droits de propriété intellectuelle (notamment droit d’auteur), d’accorder une licence à l’égard des droits de propriété intellectuelle détenus aux bénéfices des réutilisateurs et dans le respect de la loi.

Il est donc important d’identifier les licences applicables en fonction de chaque contexte d’application. Afin de vous aider dans cette identification, vous pouvez vous référer à la fiche technique dédiée.

—-

L’ensemble de cette doctrine est une publication réalisée collectivement par le cabinet Vercken & Gaullier et le cabinet inno³ pour le compte du Labo Société Numérique (labo.societenumerique.gouv.fr). Destinée à favoriser l’émergence d’une doctrine juridique commune en matière de communs produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches. Destinée à être mise à jour en fonction notamment des évolutions législatives et jurisprudentielles et à être complétée en fonction des contributions et remarques, elle ne constitue pas un conseil juridique et ne se substitue en aucun cas aux avis qu’il est nécessaire de prendre auprès des personnes compétentes au sein de chaque service.

Enfin, n’hésitez pas à consulter le site http://labo.societenumerique.gouv.fr afin de prendre connaissance des dernières versions de ces documents, de consulter toute autre ressource à destination d’acteurs publics souhaitant mobiliser le potentiel des communs numériques dans leur stratégie ou encore contribuer à cette dynamique.

Ressources associées

Licence

Contributeur

Vincent Bachelet

Vincent BACHELET

Découvrir les ressource associés