Définition

La notion de données d’intérêt général (ou encore de « données d’intérêt public ») désigne des jeux de données publics ou privés soumis à un régime spécifique de partage justifié et proportionné à des finalités d’intérêt général. La Loi prévoit les modalités et conditions de réutilisation et publication propres à chaque catégorie de donnée d’intérêt général en prévoyant a minima la réutilisation des données dans l’exercice des missions de service public de l’administration.

Développements à caractère explicatif et illustratif de la définition

Au-delà des données publiques diffusées par principe en Open Data, de nombreuses données privées peuvent, seules ou combinées, être source de valeur économique et/ou sociétale importante. En raison de leur origine privée (« privately held data »), l’exploitation de ces données demande d’articuler des régimes d’exclusivité en faveur des producteurs (droit sui generis des bases de données) ou encore de régime de protection telle qu’en matière de vie privée et données à caractère personnel (RGPD). Par principe, l’intervention de la puissance publique se limite ainsi à des politiques d’incitation aux partages et à la mise à disposition d’outils et de moyens favorisant la mutualisation entre acteurs privés en parallèle de sa démarche proactive en matière de données publiques. Ce n’est ainsi que ponctuellement que ces données peuvent venir alimenter la démarche entreprise par l’Europe en matière de marché unique de la donnée, de partage de la donnée (datasharing) comme clé de croissance, emploi et compétitivité.

Néanmoins, lorsque l’utilisation de ces données est susceptible de concourir à l’accomplissement de finalités d’intérêt général, par-devers l’administration voire la société dans son ensemble, alors les régimes d’exclusivité peuvent être aménagés pour des motifs supérieurs d’intérêt général (rapport Jutand). Ainsi en est-il notamment lorsque l’accès à de telles données permet « une conduite plus efficace de politiques publiques sectorielles, en assurant une meilleure information des citoyens, en concourant à la recherche scientifique, ou en bénéficiant au développement économique » (rapport Cytermann « relatif aux données d’intérêt général »).

Compte tenu de l’atteinte aux intérêts privés, toute régulation publique doit reposer sur des conditions et modalités proportionnées aux finalités d’intérêt général recherchées, être justifiée par l’incapacité des acteurs concernés à s’entendre pour favoriser de plein gré un tel partage de données et être assortie d’une logique d’indemnisation. Il n’existe pas à ce jour de qualification unifiée de « données d’intérêt général », mais à l’inverse des démarches sectorielles différenciée et progressive (transports, énergie, bancaire, santé, environnement, données essentielles des concessions, GSM, produits de consommation, gestion de crise, agriculture, etc.). Les dernières Lois françaises ayant introduit de tels dispositifs sont la Loi Macron (2015), la Loi pour une République Numérique (2016) et la Loi LOM en matière de mobilité (2019), la Loi Santé (2016) et la Loi relative à l’énergie et au climat (2019). De même, l’Office for National Statistics (ONS) s’est vu reconnaitre le droit d’accéder aux données détenues par des entreprises pour l’exercice de ses missions publiques (Digital Economy Act 2017).

Évolution de la notion

La notion de données d’intérêt général est d’une certaine mesure une transposition numérique de la notion européenne de services d’intérêt général, notion proche en termes de finalités, mais aussi de modalités de financement et d’indemnisation. À l’instar des services d’intérêt général, certaines données qui concourent à l’accomplissement de missions de service public peuvent être assorties d’un régime particulier qui impose à leur détenteur, qu’il soit de statut public ou privé, un certain nombre de responsabilités et d’engagements en termes d’accès et de fourniture des données.

Contemporaine à l’Open Data et participant à une économie européenne fondée sur les données, ce concept de données d’intérêt général alimente le renforcement de dispositifs existants en matière d’Open Data en venant renforcer certaines obligations à la charge des administrations et l’extension du cadre à certains acteurs privés. Ainsi en est-il des « données de référence » introduites en France par la Loi pour une République Numérique (2016) ou encore les données de « forte valeur » (pour l’économie et pour la société) introduite par la directive Open Data (2019) pour certaines catégories de données (les données d’observation de la Terre et d’environnement, les données météorologiques, les données statistiques, les données des entreprises, les données de mobilité). Plus encore, ce mouvement semble suivre la privatisation croissante de services auparavant essentiellement opérés par la puissance publique (météo, satellite, etc.), permettant de compenser l’absence de prise en compte de l’intérêt général par les acteurs économiques privés. Les données « crowdsourcées » pourraient aussi être protégées par de tels dispositifs.

Si l’approche reste aujourd’hui encore très peu contraignante (la directive Open Data recommandation en faveur de l’ouverture des données privées susceptibles de concourir à l’intérêt général), la notion intéresse grandement tant les acteurs publics qui y voient le moyen de récupérer une part du pouvoir perdu à l’ère du numérique que les acteurs privés qui acceptent le risque d’une perte d’un actif stratégique sur la promesse d’une économie collaborative aux bénéfices difficiles à évaluer. De nombreuses recherches et consultations ont été menées ces dernières années afin de donner plus de substance au concept (plusieurs enquêtes ont été menées par l’ESS, IGF, IDC) notamment dans le cadre de stratégie plus large telle qu’en matière d’intelligence artificielle (rapport Villani). En France, le Conseil National du Numérique s’est spécifiquement saisi de la question et participe à sa définition et sa mise en œuvre.

Plusieurs questionnements restent ouverts à ce jour. La première concerne l’opportunité de formaliser un cadre général intermédiaire, qui permette d’assouplir le dispositif actuel qui repose sur l’élaboration de multiples Lois sectorielles et de participer à une certaine harmonisation. Ensuite, les échelons politiques locaux et régionaux souhaitent aussi participer à l’élaboration de ce dispositif. Enfin, et plus largement, cette notion impose un arbitrage entre l’organisation par le marché et la régulation. Parmi les solutions discutées figure notamment la doctrine européenne en matière de FRAND (Fair, Reasonable and Non-Discriminatory) qui vise à limiter les atteintes à la libre concurrence en imposant aux titulaires de droits sur des technologies essentielles des politiques de licences visant à concilier propriété et libre concurrence.