Epidemium : l’open science au service de la recherche sur le cancer
Alors que la saison 2 du programme vient d’être lancée, nous vous invitons à (re)découvrir Epidemium au travers de ce billet initialement publié sur Medium par l’équipe Epidemium, sous licence CC-BY-ND
Epidemium est né d’une volonté : travailler en cancérologie sur la base des données ouvertes en adoptant une approche communautaire. Celle-ci reposait alors sur deux intuitions. La première, qu’il est possible d’obtenir des résultats pertinents en décloisonnant la recherche médicale ou, du moins, en la rendant accessible à un plus grand nombre d’acteurs, y compris non scientifiques. La deuxième, qu’il est possible de fonder une recherche sur l’open big data, étant persuadés que ces dernières offrent de nouvelles perspectives dans la compréhension de notre environnement et de nous-mêmes : mieux comprendre, mieux prévenir, mieux prédire. Ainsi, Epidemium a dû mettre en place une méthodologie visant à concilier recherche scientifique, communauté et données ouvertes, ces trois éléments représentant en quelque sorte l’ADN du programme.
Partant de ces intuitions et de cette volonté initiales, Epidemium s’est naturellement pensé comme un programme d’open science et s’est construit autour de quatre valeurs fondamentales : l’ouverture, la collaboration, la transdisciplinarité et l’indépendance. Concrètement, ces dernières se sont incarnées à travers les modalités d’un programme accessible à tous, qui prône et facilite le partage des méthodes, des connaissances générées, le travail collaboratif et l’échange de compétences ainsi que la transdisciplinarité des profils. Enfin, le programme est autonome vis-à-vis de ses initiateurs Roche et La Paillasse, et s’est pour cela entouré d’un Comité d’éthique indépendant. Toutefois, qu’est-ce véritablement que l’open science et en quoi le programme Epidemium est-il innovant ?
Traditionnellement, les recherches scientifiques se réalisent au sein de structures dédiées, cloisonnées, dans lesquelles la production de la connaissance est encadrée et sa diffusion limitée. Cependant, depuis quelques années, de nouvelles structures de production de la connaissance scientifique émergent, caractérisées par deux éléments majeurs : d’une part, le nombre de participants aux projets, d’autre part, l’ouverture des problèmes et des résultats à toutes les étapes de la production. Les barrières tombent, aussi bien dans l’intégration de nouveaux acteurs aux projets qu’au niveau de la propriété intellectuelle. Chaque « citoyen de la science » peut intervenir et participer au développement et à la résolution des problèmes en apportant ses connaissances et ses compétences. Nous retrouvons chez les participants aux projets d’open science des valeurs communes et des idéaux qui rassemblent au-delà même de la thématique du projet, dans un souci de partage des découvertes. C’est l’avènement d’une nouvelle conception épistémologique de la recherche scientifique. La dynamique de l’open science favorise les interactions entre les différents acteurs du projet, ce qui améliore d’autant plus la capacité du collectif à générer des solutions puissantes et originales. Ainsi, pour Epidemium, l’accès à des compétences et des connaissances variées offre statistiquement une plus grande diversité dans l’approche des problématiques autour du cancer ainsi que de nouveaux points de vue, qui sont autant de directions potentielles à explorer. De plus, l’ouverture des résultats au fur et à mesure du projet permet à tout contributeur d’accéder aux dernières avancées, ce qui le rend capable à tout moment de rejoindre le projet, de proposer des alternatives ou d’améliorer celles proposées, rendant à nouveau plus fortes les perspectives pour la recherche.
« Epidemium a tout pour prouver que la science peut se faire en dehors des cadres académiques classiques en misant sur l’open source et la transdisciplinarité d’équipes autoconstituées. », Hugo Jalinière (Sciences et Avenir, 30/05/2015)
La volonté de concevoir Epidemium comme un programme d’open science ne découle pas seulement de l’ambition de ses deux initiateurs. L’idée de travailler sur le cancer de façon innovante, à la fois par la forme du programme et par la méthode proposée, alliant ouverture et utilisation du big data, est née de plusieurs constats sur la maladie et le contexte actuel. La thématique du cancer est contemporaine, porteuse de sens et fédératrice. À l’échelle mondiale, en 2012, 8,2 millions de personnes sont décédées des suites d’un cancer et cette incidence est amenée à augmenter de 70% au cours de la prochaine décennie. Chacun d’entre nous est ainsi touché par cette maladie au cours de sa vie, de près ou de loin. Le cancer est donc un enjeu de société majeur, qui entraîne des réactions émotionnelles fortes et a des effets palpables. De nombreuses communautés de patients, de proches ou d’acteurs de la santé, se sont en outre déjà construites spontanément dans le cadre de la recherche contre le cancer et pour défendre différents intérêts. Epidemium offre alors la possibilité de fédérer tous ceux qui le souhaitent dans un grand mouvement de recherche commun.
Epidemium propose à des acteurs habituellement peu sollicités à ce niveau-là des moyens pour se regrouper, et permet leur empowerment grâce à une facilité technique : l’accessibilité des données et la démocratisation des outils de traitement. Des données ouvertes et hétérogènes sont disponibles, notamment sur les sites intergouvernementaux, et en quantité suffisamment importante pour en induire du sens, en dégager des pistes de recherche. Or le big data impacte naturellement l’épidémiologie du cancer et c’est peut-être l’un des domaines où il est susceptible d’être le plus porteur de sens : il propose des données concernant toutes les dimensions des sociétés, du quotidien des individus et de l’environnement. Le big data, par sa complexité et les possibilités qu’il offre, demande un niveau de transdisciplinarité important de la part des acteurs qui vont le traiter, l’étudier et en tirer des conclusions. C’est pour cela qu’Epidemium est ouvert à tous ceux qui souhaitent mettre leurs compétences, quelles qu’elles soient, à disposition de ce sujet.
« Avec Epidemium, on a réussi à prouver qu’il était possible, en France, de réunir des personnes brillantes et motivées pour produire de la science de qualité, et de réunir des experts dans le Comité scientifique et le Comité d’éthique indépendant, pour guider et évaluer les projets. », Dr Charles Ferté, membre du Comité d’éthique indépendant
Forts de l’expérience du Challenge4Cancer et convaincus de l’intérêt d’un programme tel qu’Epidemium, nous avons souhaité, afin de clore cette première édition et d’imaginer la prochaine, rédiger ce Livre blanc. Fidèle, dans sa conception, aux valeurs que nous avons défendues, celui-ci fait écho à la pluralité des points de vue et des disciplines engagées, en recueillant les recommandations des acteurs qui ont pris part au programme : membres de la communauté, membres des comités d’éthique et scientifique, contributeurs et partenaires. Ainsi, ce livre se veut être un plaidoyer à la fois pour l’open science et pour la méthodologie collaborative.
C’est un objet composite que nous proposons, regroupant des articles, parfois co-signés, des retours d’expérience et des fiches d’approfondissement, tous construits autour des thématiques fondatrices du programme, à savoir la santé, l’open et les données. Libre au lecteur de le lire de façon linéaire ou de choisir d’explorer les sujets qui lui plaisent ou qui lui parlent. De cette multiplicité, trois parties ont émergé autour desquelles ce Livre blanc est structuré : La Communauté agile et ouverte qui présente la méthodologie employée et fait remonter le vécu de la communauté ; L’Innovation scientifique et médicale qui ouvre une discussion sur la rencontre de la data science et de la médecine, sans oublier le bénéfice patient qui se pose toujours en ligne d’horizon ; et enfin Le Cadre juridique et ouvert qui revient sur les problématiques à la fois légales et éthiques qu’a pu poser et rencontrer Epidemium dans sa mise en place et réalisation.
Auteurs :
BENCHOUFI Mehdi, Équipe coordinatrice Epidemium : Médecin de santé publique à l’Hôtel Dieu, agrégé de mathématiques, Mehdi est fondateur du Club JADE, think tank dédié aux enjeux socio-politiques du numérique (big data, open culture, open science). Il travaille à des projets collaboratifs de mise au point de technologies médicales en open source.
FRESNOYE (de) Olivier, Équipe coordinatrice Epidemium : Spécialiste du développement humanitaire et de la gestion de projet, Olivier a une double formation scientifique et économique. Il a développé de nombreux projets collaboratifs et communautaires innovants et participe à plusieurs groupes de travail sur les nouvelles technologies et l’innovation.
LÉVY-HEIDMANN Karine, Équipe coordinatrice Epidemium : Community Lead du programme Epidemium, en charge d’animer et de faire grandir la communauté. Elle est également engagée dans l’entrepreneuriat social et membre du conseil d’administration de l’association MakeSense.
TAUVEL-MOCQUET Ozanne, Équipe coordinatrice Epidemium : Diplômée en lettres puis en communication, Ozanne s’intéresse aux nouvelles technologies et aux formes d’organisation qui émergent avec elles ainsi qu’à l’économie collaborative à travers le développement de nouveaux lieux de type Fablabs.
Auteur/Autrice
Collectif inno³