Le modèle de licence INTILA
L’INTILA est un modèle de licence adaptable et configurable favorisant la conception et exploitation de produits interopérables. Une étude préparée pour la Commission européenne en vue de proposer des contrats types pour concéder des licences sur les informations d’interopérabilité (SMART 2013/0044).
Résumé
L’INTILA est un modèle de licence adaptable et configurable qui est proposé comme canevas pour concéder sous licences des Information d’Interopérabilité (ce qui comprend APIs, formats et protocoles) afin de permettre aux bénéficiaires de concevoir et exploiter des produits interopérables. Il devrait permettre aux concédants et licenciés de réduire les coûts de transaction grâce à la sélection et l’utilisation d’un ensemble de termes contractuels communément acceptés et considérés comme sûrs par une large communauté.
À défaut d’être utilisé comme modèle, l’INTILA pourra tout autant servir comme outil de vérification et devrait sensibiliser les utilisateurs quant aux questions clés à traiter et devant être négociées par les parties au sein de la licence. Il devrait permettre d’aider les entreprises à définir un cadre clair, non ambigu et juridiquement solide, favorisant le développement de produits interopérables avec leurs technologies. La licence est rédigée de manière neutre pour couvrir aussi bien les brevets que les droits d’auteur et les secrets d’affaires. Elle suggère de nombreuses options et alternatives qui devraient être sélectionnées en fonction de la nature des produits, de la stratégie et des objectifs légaux, commerciaux, techniques et politiques de l’entreprise. Ces clauses et options sont commentées et expliquées dans une section intitulée « elucidations and comments » qui est utilement placée dans la colonne de droite du document.
Description
Dans le cadre de l’Agenda numérique européen, la Commission européenne souhaite promouvoir l’usage de licences spécifiques aux informations d’interopérabilité non standardisées en élaborant et mettant à disposition de tous un modèle de licence configurable dit à « géométrie variable ».
Un tel modèle de licence devrait permettre aux concédants et licenciés de réduire les coûts de transaction grâce à la sélection et l’utilisation d’un ensemble de termes contractuels communément acceptés et considérés comme sûrs par une large communauté.
Cette étude vise donc à proposer un modèle de licence adaptable et configurable que nous proposons d’appeler INTILA (pour « Interoperability Information Licence Agreement »).
Ce modèle de licence est en réalité un jeu de clauses suggérées, d’options et/ou d’alternatives qui méritent d’être considérées lorsque sont concédées sous licence des informations d’interopérabilité. Il devrait permettre d’aider les entreprises à définir un cadre clair, non ambigu et juridiquement solide, favorisant le développement de produits interopérables avec leurs technologies. Ce modèle de licence est fourni dans une logique non contraignante, les propriétaires d’informations d’interopérabilité restant bien entendu totalement libres de décider si, et comment, ils souhaitent exploiter leur PI (dans le respect des exigences légales obligatoires). L’utilisation de ce modèle de licence est volontaire, il peut nécessiter un certain nombre d’adaptations afin de se conformer aux règles spécifiques à un secteur ou un environnement particulier. En outre, il peut également ne pas être applicable à certaines situations.
Le choix entre les différentes options proposées dans ce modèle doit être fait selon les stratégies et les objectifs légaux, commerciaux, techniques et politiques de l’entreprise. Ces options sont expliquées plus en détail dans la version du texte agrémentée de commentaires intitulée « Modèle de licence et Manuel ». Le concédant devra veiller à ce que la sélection ou la combinaison d’options ne conduisent pas à certaines incohérences. De plus, la licence doit être adaptée aux spécificités de chaque situation : certaines parties doivent absolument être complétées par les utilisateurs. Les remarques préliminaires ont vocation à les alerter au sujet de ces questions essentielles.
Information d’interopérabilité : quelques aspects techniques
La notion d’information d’interopérabilité, aussi désignée sous le nom « d’interface logicielle », recouvre trois catégories classiques : les APIs (Application Program Interfaces), les Protocoles et les Formats.
Un Protocole est un ensemble de règles et instructions de communication permettant l’échange de messages entre systèmes.
Une API est un ensemble de règles ou de routine grâce auxquelles un programme autorise une autre application à travailler directement avec elle, par l’appel de ses fonctions.
Le terme Format fait référence à la manière dont des données sont codées et sauvegardées dans un fichier.
Ces interfaces sont généralement décrites dans des spécifications, c’est-à-dire des documents formels détaillant la manière exacte d’implémenter les mécanismes d’interopérabilité qu’elles véhiculent. Autrement dit, elles constituent des lignes directrices et des points de repère pour les développeurs tout au long de leur parcours de programmation.
Le contenu des licences en matière d’informations d’interopérabilité diffère nécessairement d’une technologie à l’autre. Le modèle INTILA a donc été conçu pour être aussi neutre que possible d’un point de vue technologique. Il est cependant probable qu’il nécessitera certaines modifications pour s’adapter au mieux à la technologie donnée en licence.
Interopérabilité horizontale et verticale
Cette initiative a pour ambition de stimuler l’innovation et la concurrence, tout en réduisant les effets de verrouillage (lock-in) en encourageant :
L’interopérabilité verticale (à savoir la possibilité de développer des produits ou des systèmes – généralement des plates-formes – qui s’appuient sur des produits ou des systèmes dont les informations d’interopérabilité sont données en licence) ;
L’interopérabilité horizontale (à savoir la possibilité de créer des produits ou des systèmes similaires ou substituables ou de permettre à des produits similaires ou complémentaires de partager des données et des informations qui ont été préparées en utilisant des technologies ou des systèmes différents).
D’un point de vue commercial, l’interopérabilité verticale permet le développement de marchés en aval, tandis que l’interopérabilité horizontale améliore les échanges de données entre des produits interactifs (concurrents ou non).
Le modèle de licence a été rédigé de telle sorte que le concédant reste en mesure de configurer son contenu afin qu’il permette l’interopérabilité horizontale et/ou l’interopérabilité verticale. Correspondant à des stratégies commerciales différentes, la poursuite de l’un ou l’autre de ces modèles d’interopérabilité peut impliquer des divergences importantes dans le contenu de la licence, que ce soit en termes de droits octroyés, de conditions, de contreparties, de redevances, de responsabilités, etc. Il faut donc anticiper ces objectifs afin d’être en mesure de les prendre en compte au moment de la configuration de la licence.
Cadre légal
Le droit organise trois principaux types de protections susceptibles de s’appliquer aux informations d’interopérabilité : le droit d’auteur, le brevet et le secret des affaires (ainsi qu’expliqué par le DTS (2013) 209 de la Commission « analysis of measures that could lead significant market players in the ICT sector to license interoperability information »).
Le droit d’auteur confère un droit exclusif sur toute œuvre originale dans sa forme ou son expression (logiciels et spécifications incluses). Il ne protège ni les idées ni les fonctionnalités (décision de la CJE SAS v. World Programming C-406/10). La loi reconnaît automatiquement et gratuitement un droit d’auteur à l’auteur de toute création originale. Aucune démarche administrative n’est nécessaire pour obtenir cette protection : elle s’applique du seul fait de la création de l’œuvre, et s’étend au fur et à mesure de sa conception.
Les brevets protègent les inventions, c’est-à-dire les produits ou les procédés qui apportent une solution technique à un problème technique. En Europe, la Convention européenne des Brevets (OEB) exclut de manière expresse les programmes informatiques du champ de brevetabilité. En dépit du débat sur la « brevetabilité des logiciels », de plus en plus de brevets sont accordés aux inventions mises en œuvre par ordinateur. Pour obtenir un brevet, l’inventeur doit identifier précisément son invention ainsi que les revendications par lesquelles il entend protéger ses caractéristiques nouvelles et inventives. L’inventeur doit entreprendre des démarches administratives pour obtenir un titre auprès de l’autorité compétente. Un brevet est donc facilement et rapidement identifiable grâce à ces références, et son étendue est limitée aux revendications qui y figurent.
Les secrets d’affaires sont les informations stratégiques de l’entreprise concernant son savoir-faire ou toute autre connaissance qu’elle souhaite garder secrète pour conserver un avantage compétitif. Les dispositions relatives au secret des affaires sont actuellement loin d’être harmonisées au niveau européen, et les droits garantis aux détenteurs de ces secrets d’affaires diffèrent d’un pays à l’autre (notons cependant que la commission a adopté le 28 novembre 2013 une proposition de Directive quant à la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites, qui vise à harmoniser les législations des états membres sur le sujet et prévoit un certain nombre de mesures coercitives1 ). Dans le cadre d’échanges avec une partie tierce (un partenaire commercial par exemple), le secret des affaires est généralement renforcé par un accord de confidentialité qui reconnaît au propriétaire du secret une protection contractuelle. Globalement, il peut être considéré que le secret des affaires appartient à la famille des droits de propriété intellectuelle, même si les mécanismes légaux qui sous-tendent le concept sont parfois très différents.
Trois droits de propriété intellectuelle sont donc concernés, avec pour chacun une nature et une logique économique qui lui sont propres. Dès lors, ils diffèrent par leur objet, leur champ d’application et les droits exclusifs qu’ils concèdent. Le modèle de licence INTILA a été rédigé de façon à couvrir les caractéristiques spécifiques de chacun de ces droits.
Les droits exclusifs de propriété intellectuelle couverts par le modèle de licence sont en outre soumis à des limitations, des exceptions et à la théorie de l’épuisement des droits. Le modèle de licence INTILA ne réduit en aucune façon l’étendue de ces limitations. Par exemple, le modèle INTILA ne limite pas le bénéfice des exceptions contenues aux articles 5 et 6 de la Direction 2009/24/EC du Parlement Européen et du Conseil du 23 avril 2009 sur la protection juridique des programmes d’ordinateur (reconnaissant des droits d’auteur sur les logiciels), qui autorisent certaines activités de rétro-ingénierie et de décompilation afin d’obtenir les informations nécessaires à l’interopérabilité.